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Présidentielle à Bissau : le pays en suspens avant l'investiture du candidat déclaré élu

Présidentielle à Bissau : le pays en suspens avant l'investiture du candidat déclaré élu

Guinée-Bissau

Pacifique, organisée… la présidentielle en Guinée-Bissau aurait pu passer pour exemplaire. Mais un Etat chroniquement instable pouvait mal échapper à une nouvelle crise et, deux mois après, attend toujours de savoir qui prendra la tête d’un pays confronté à d’innombrables défis.

Dans un nouveau geste controversé, un candidat affirme qu’il se fera investir jeudi, malgré l’imbroglio persistant.

Qui a gagné le 29 décembre ?

Moi, dit Umaro Sissoco Embalo, 47 ans, diplômé de relations internationales, ancien général, ex-Premier ministre, candidat de l’opposition et dissident du parti historique et dominant, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC).

Certainement pas, objecte Domingos Simoes Pereira, 56 ans, autre produit du système, ancien chef de gouvernement également, chef du PAIGC.

Qui a raison ?

M. Embalo, dit la Commission nationale électorale. Les résultats du second tour le créditent de 53,55 % des voix, et M. Pereira de 46,45 %.

La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédeao), partenaire et médiatrice historique dans ce pays à l’histoire chaotique, et les Etats-Unis ont félicité l’outsider en janvier. Idem du côté de l’influent voisin sénégalais ou du Congo, dont les présidents l’ont reçu en tant que président élu.

M. Pereira et le PAIGC dénoncent eux des fraudes et réclament qu’on recompte les votes. La Cour suprême, saisie, a demandé la vérification des procès-verbaux. La commission électorale s’est exécutée et a confirmé à plusieurs reprises les résultats.

A qui le dernier mot ?

Après une nouvelle confirmation des résultats par la commission mardi, M. Embalo a invité ses compatriotes à son investiture jeudi dans un hôtel de la capitale.

La commission permanente du Parlement – qui réunit le bureau (président, vice-présidents, etc.) et les chefs des groupes parlementaires – a décidé mercredi par 8 voix contre 7 de convoquer à cet effet une séance extraordinaire de l’Assemblée nationale, précisant qu’elle se tiendrait dans cet hôtel.

Les députés soutenant M. Pereira ne se sont pas associés à cette décision.

M. Pereira, a introduit un nouveau recours devant la Cour suprême.

La Cédeao a mis en garde : ceux qui “n’agiraient pas dans le sens de la normalisation” risquent des sanctions.

“Ce serait peut-être une première en Afrique de l’Ouest si une décision de la Cour suprême altérait fondamentalement les résultats d’une présidentielle”, dit le chercheur Vincent Foucher, “mais qui sait ? La Guinée-Bissau est pleine de surprises”.

Cela peut-il mal tourner ?

Depuis l’indépendance en 1974, l’ancienne colonie portugaise a connu quatre coups d’Etat et seize tentatives, selon un centre de recherche. Le dernier putsch remonte à 2012. Depuis la présidentielle de 2014, le pays s’est engagé sur la voie d’un retour à l’ordre constitutionnel, ce qui ne l’a pas préservé de turbulences à répétition, mais sans violence.

Les observateurs ont souligné que la présidentielle s‘était déroulée à la régulière. La querelle en cours ne se passe pas dans la rue, ce qui est un “bon signe”, note Pedro Seabra, un expert du Center for International Studies à Lisbonne.

“Je suis un légaliste, je suis un démocrate”, martèle M. Pereira en assurant qu’il s’inclinera si la Cour suprême tranche en sa défaveur.

L’armée s’est tenue à l‘écart et son chef d‘état-major a prévenu qu’elle enverrait “directement au cimetière” quiconque s’essaierait à l’agitation. Des camions militaires transportant des soldats armés patrouillaient mercredi soir les rues de la capitale par groupes de trois ou quatre, a constaté un correspondant de l’AFP.

Quels sont les enjeux ?

Sécurité, développement, démocratie. L’Afrique de l’Ouest n’a pas besoin d’un nouveau foyer d’instabilité.

Or la Guinée-Bissau, coincée entre Sénégal, Guinée et océan Atlantique, est fragile. Deux sur trois des quelque 1,8 million d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Avec des ressources inexploitées (bauxite, phosphates, forêts, tourisme…), plus des deux tiers des foyers sont tributaires de la noix de cajou. Dans l’un des pays les plus démunis au monde prospèrent les trafics, de bois mais aussi de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud à destination de l’Europe. La corruption des cadres est régulièrement dénoncée.

La Guinée-Bissau est majoritairement musulmane, avec une forte minorité chrétienne, et une multitude de religions traditionnelles, d’ethnies et de langues.

Personne ne veut de troubles pouvant s‘étendre au voisinage et favoriser les trafics.

Et après ?

Face à ses maux, le pays a un pressant besoin de réformes auxquelles la paralysie politique des dernières années ne s’est pas prêtée. M. Embalo a fait campagne en promettant la rupture avec l’establishment, largement incarné par le PAIGC. M. Pereira, lui, se pose en garant de la stabilité. Il peut se prévaloir de la majorité relative du PAIGC au Parlement, a priori plus favorable à la formation d’un nouveau gouvernement, dans un système où la Constitution favorise les tensions entre les pouvoirs.

AFP

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